Au Royaume-Uni, les bureaux sont fonctionnels et impersonnels. Le bâtiment ou la tour représente avant tout un investissement financier. La densité par poste de travail est très élevée dans les Open Space (entre 4 et 5 m² par personne). La relation entre les Britanniques et l’espace est très détachée. On s’assoie à la première table libre. Personne ne s’offusque de voir quelqu’un d’autre à sa place dans un bureau qui peut être partagé entre 6 à 10 personnes. Le cadre dirigeant n’a pas forcément de bureau individuel. « La culture du résultat à très court terme conditionne le management par objectif, ainsi que la rémunération des salariés », précise Catherine Gall, directrice de la prospective de Steelcase, un des leaders mondiaux du mobilier de bureau. Les espaces ne sont pas les plus agréables : les bureaux sont petits, vétustes, étroits au sein des Open Space les plus larges d’Europe avec facilement 100 personnes. Dans ces conditions, les collaborateurs travaillent avec des oreillettes MP3 pour ne pas entendre leurs voisins. Les rituels sont déshumanisés. Le turnover est très élevé. Chacun est sans cesse en train de chercher une autre opportunité d’emploi. C’est également au Royaume-Uni qu’on voit le plus grand nombre d’initiatives innovantes en matière de télétravail, car les Britanniques endurent les plus longs trajets quotidiens pour se rendre à leur travail et, avec 43 heures par semaine, le plus long temps de travail en Europe.
Pays-Bas : tous pour un et chacun pour soi. Souvent considérés comme l’avant-poste de la Scandinavie, les Pays-Bas développent une culture égalitaire, autonome et pragmatique avec des espaces ouverts, des postes mutualisés où recherche du confort rime avec efficacité et développement durable : bonne qualité de l’air, ventilation et lumière naturelles. Les Open Space sont de dimensions réduites. « Les collaborateurs s’entraident spontanément. Pas pour des motifs affectifs, mais pour des raisons pragmatiques. Il n’y a pas d’effusion ou de démonstration de sentiment, tout est en retrait », commente Catherine Gall. « Les gens travaillent 33 heures par semaine et séparent nettement la sphère professionnelle de la vie privée. Le petit-déjeuner et le dîner en famille sont sacrés. » Traduction : les bureaux des cadres dirigeants ne sont pas réservés à un étage hiérarchique et leurs aménagements diffèrent très peu de ceux des employés ordinaires.
Allemagne : la meilleure qualité d’Europe. À l’instar des Pays-Bas, les profils des bâtiments en Allemagne sont plus petits. Les Allemands n’aiment ni les ascenseurs, ni ce qui est mécanisé. Ils veulent être en adéquation avec la nature. Du coup, comme en Hollande, les normes d’aménagement intérieur sont contraignantes. Il n’y a pas de bureau dans le noir. « Surtout, la notion de l’espace individuel est sacrée, comme dans l’habitation privée. Une porte close doit le rester. C’est même un signe très fort montrant qu’on ne veut pas être dérangé. Les Allemands ont un réel besoin d’espace », précise Catherine Gall. « Les salariés sont fidèles à leur entreprise. Ils s’y impliquent et veulent y demeurer. Les organisations sont très structurées, mais l’organigramme est plat. Il y règne une ambiance harmonieuse. » Les bureaux allemands sont les mieux équipés d’Europe. Ils intègrent la qualité de l’éclairage, de l’acoustique ou du mobilier de qualité… Quant aux cadres dirigeants, leurs bureaux se développent sur deux trames de fenêtres. Et on trouve encore de nombreux bureaux individuels.
France : vers l’Open Space. Les espaces de travail français se définissent par une série de paradoxes. Les salariés se trouvent souvent pris entre leur désir de liberté individuelle et le respect de la hiérarchie, entre la volonté de faire carrière et la vie de famille, entre la tradition et l’innovation. Le travail est vu comme une source d’épanouissement, et d’ailleurs les Français sont très assidus au travail. Mais ils n’en sont jamais contents. Critiques, mais respectueux, les Français vouent un culte au chef tout en acceptant mal l’ordre et la discipline. Ils leur reprochent de ne pas assez les écouter. Férus de discussion, ils sont créatifs et débrouillards, mais ils affichent une certaine résistance au changement. Ce qui conduit les entreprises à recourir à des cabinets d’accompagnement au changement lorsqu’un projet de déménagement est annoncé. Étant donné les prix élevés de l’immobilier, le changement s’impose néanmoins peu à peu. Et les aménagements de bureaux s’orientent vers la réduction des surfaces allouées à chaque employé (de 7 à 10 m²/poste) et le développement des Open Space. Las de s’impliquer dans leur travail sans recevoir les gratifications auxquelles ils s’attendent, les Français ont tendance à devenir moins émotionnels et plus individualistes.