« Une relation décomplexée » : telle est l’image promue par Nicolas Sarkozy lors du sommet de Nice pour définir les nouveaux rapports entre 26 pays d’Afrique et la France. Une relation soutenue par une charte de bonne conduite sur la responsabilité sociale des entreprises, qui a été signée par les entrepreneurs français et africains présents. Les Africa-France Business Meetings, organisés par la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux les 2 et 3 juin, ont défendu cette même ambition : faire de l’Afrique un véritable partenaire. « C’est une logique gagnant-gagnant, précise Bruno Lacoste, vice-président international de la Chambre de commerce de Bordeaux. Il faut repenser les relations économiques entre les deux continents. » De nombreuses sociétés africaines ont prolongé leur voyage jusqu’en Aquitaine. Cette année, deux fois plus d’entreprises ont répondu présentes à la deuxième édition des rencontres bordelaises : vingt-six pays africains étaient représentés, contre dix-neuf en 2009. « Cela prouve le caractère très opérationnel de l’événement, poursuit Bruno Lacoste. Il y a une vraie attente des chefs d’entreprises. » Si, à Nice, politique et économie étaient étroitement mêlées, Bordeaux fait la part belle aux affaires. Les PME sont venues y explorer de nouvelles pistes de collaborations.
Des avancées encore sous-estimées
L’Afrique séduit de plus en plus. La Chine, l’Inde, mais aussi le Brésil s’y intéressent de près. De quoi rendre jalouse la France, qui s’est toujours vantée d’entretenir des rapports privilégiés avec le continent. Dans son dernier rapport paru le 2 juin dernier, le Boston Consulting Group (BCG)(1) souligne que les avancées économiques de l’Afrique sont souvent sous-estimées. Le cabinet international de conseil a identifié quarante grandes entreprises, baptisées « African Challengers », et démontre qu’elles rivalisent sérieusement avec les pays du nord. Celles-ci sont situées majoritairement dans les pays moteurs, les « Lions africains », qui sont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Botswana, l’Égypte, l’île Maurice, la Libye, le Maroc et la Tunisie. Parmi les pays les plus représentés lors des Africa-France Business Meetings figuraient l’Angola, la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Plus question donc pour la France de se limiter à l’Afrique francophone. « Un environnement différent est en train de naître en Afrique, estime Archer Mangueira, vice-ministre du Commerce d’Angola. Une génération politique grandit aujourd’hui avec de nouvelles aptitudes. Surtout il est important de changer la mentalité des investisseurs qui viennent chez nous pour que des gens formés restent sur le long terme. Ils permettront de créer une valeur ajoutée et de diversifier nos économies. »
Mobiliser les PME françaises
Lors des Africa-France Business Meetings, plusieurs conférences et plus de 1 400 rendez-vous d’affaires ont visé à rassurer les PME françaises, mais aussi à leur donner les clefs d’une coopération réussie. « Les Français doivent apprendre à mieux connaître leurs partenaires africains, a insisté le docteur Anna Mokgokong, présidente exécutive de la société sud-africaine Community Investment Holdings. Le capitalisme avec une conscience sociale : voilà la meilleure façon de faire des affaires en Afrique. » Les entreprises doivent, selon elle, être autant attentives à leurs résultats qu’à l’environnement social. « La France a un rôle important à jouer dans le développement des compétences en Afrique. Cela permettra de mettre en place des échanges équitables. »
Pour réaliser ces échanges, l’agroalimentaire, le BTP, les télécommunications, mais aussi les services financiers et les énergies renouvelables font partie des secteurs clefs. Les sociétés françaises y trouvent là des marchés à développer, mais elles sont loin de se bousculer aux portes africaines. « Les entreprises françaises, surtout les PME, ne sont pas assez nombreuses à se tourner vers l’Afrique, a convenu Alain Joyandet, secrétaire d’État français à la Coopération et à la Francophonie. Il faut les mobiliser. » Les événements tels que les Africa-France Business Meetings représentent un bon catalyseur. « Nous n’avons pas vraiment le temps ni les moyens de prospecter dans toute l’Afrique, explique Jean-Michel Maquart, chargé d’affaires chez Gareni Industrie, fabricant français de groupes électro-gènes. Des journées comme celles-ci permettent de rencontrer plusieurs acteurs et nous ouvrent des voies. »
(1) Source : “African Challengers: Global Competitors Emerge from the Overlooked Continent”, BCG, juin 2010.
www.bordeaux.cci.fr
Trois questions à Jean-Louis Billon, président de la Chambre de Côte d’Ivoire et du groupe SIFCA-SIFCOM.
Commerce International : Quel est l’intérêt de ces rencontres Afrique-France ?
Jean-Louis Billon : « Elles permettent aux entreprises des deux continents de mieux se connaître. C’est primordial pour attirer de nouveaux investisseurs en Afrique. De nouveaux horizons peuvent s’ouvrir. Cette confrontation extérieure est très importante. »
Quels sont les secteurs les plus attractifs ?
J.-L. B. : « L’avantage avec l’Afrique, c’est que tout est à faire ! L’agro-industrie, la construction, les services représentent des marchés porteurs. Ainsi, en Côte d’Ivoire, les acteurs économiques sont très dynamiques. Le problème : les acteurs politiques gâchent souvent tout et portent atteinte au développement. »
Que pensez-vous de cette nouvelle approche française primant sur le partenariat ?
J.-L. B. : « Le continent africain a une histoire commune avec la France. Il est donc normal que celle-ci s’intéresse de plus en plus à son économie. Les prochains enjeux de la planète sont en Afrique. Et la France doit aujourd’hui faire face à la concurrence de la Chine et de l’Inde. »