Davide Cucino dirige la Chambre de commerce européenne en Chine depuis avril 2011, après avoir été son vice-président. Il revient sur le contexte actuel dans lequel évoluent les sociétés européennes et sur l’aide qu’apporte son organisation.
Commerce International: Quelles sont les missions de la Chambre de commerce européenne en Chine?
Davide Cucino: « Nous sommes une organisation indépendante. La plupart des sociétés avec lesquelles nous sommes en contact sont implantées en Chine ou y exportent des produits et des services. La défense de leurs intérêts et leur accompagnement sur place forment l’objectif central autour duquel s’articulent tous nos projets. La chambre a été créée il y a 11 ans, quelques mois avant l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation mondiale du commerce, ndlr), dans le but de surveiller cette intégration. Notre rôle aujourd’hui est aussi de s’assurer que les engagements dans ce domaine sont respectés et de veiller à la conformité du fonctionnement local avec les principes de l’OMC. »
Quelles aides concrètes apportez-vous aux entreprises?
D.C.: « Une grande partie de notre travail vise à organiser des groupes de travail et forums pour nos membres afin de fournir des informations pratiques. Ceux-ci sont répartis en branches d’activités et en thématiques transversales. Certains forums sont par exemple consacrés à l’automobile, aux services financiers ou à l’énergie. D’autres ont une approche horizontale et abordent des problématiques comme la relation avec les fournisseurs ou l’accès aux marchés publics. L’organisation respecte un agenda précis qui s’adapte aux difficultés conjoncturelles ou sectorielles qui peuvent survenir. Nous mettons également sur pied des évaluations des besoins des entreprises et des obstacles qu’elles rencontrent. Ces informations sont listées une fois par an dans un document officiel transmis aux autorités chinoises ainsi qu’aux décideurs politiques européens. Par ce processus, nous espérons que la classe politique dans son ensemble prenne conscience des adaptations que nécessite l’environnement d’affaires pour que les entreprises européennes puissent évoluer dans les meilleures conditions sur le marché chinois. »
La Chine est-elle toujours autant considérée comme une terre d’opportunités?
D.C.: « Les sociétés engagées ici sont conscientes de l’immense potentiel existant dans de nombreux secteurs. Nombre d’entre elles investissent avant tout pour vendre sur le marché local et n’utilisent pas nécessairement le pays comme un intermédiaire avant de réintroduire les produits en Europe. Il y a bien sûr aussi des inquiétudes de la part des entreprises européennes quant à l’accès à certains marchés en Chine. Globalement, les sociétés en provenance du Vieux Continent grandissent et profitent de la croissance locale, mais nous regrettons qu’elles ne soient pas traitées aussi favorablement que les entreprises chinoises. Elles se retrouvent souvent limitées en matière de prises de participations, d’accès aux marchés publics ou d’accès à des secteurs stratégiques. »
La réindustrialisation est de plus en plus évoquée pour relancer l’économie européenne. Cette volonté constitue-t-elle une menace pour les échanges économiques avec la Chine?
D.C.: « Les entreprises européennes tournées vers l’Asie le font essentiellement pour exploiter le potentiel local. Soyons clairs : c’est là que, selon nous, se trouvent les opportunités les plus intéressantes. Même si de nouveaux marchés industriels apparaissent en Europe, l’intérêt ne sera pas suffisant pour que les entreprises qui privilégient la Chine fassent demi-tour. Une solution intéressante pour redonner de la vitalité à l’économie européenne serait peut-être d’accueillir davantage de sociétés chinoises disposant de fortes capacités financières. Cela ne signifie pas céder les entreprises à des acteurs asiatiques, mais envisager des joint-ventures, des collaborations, des participations minoritaires, comme l’ont d’ailleurs fait des sociétés européennes entrées en Chine. »
Quels sont vos principaux objectifs pour les années futures?
D.C.: « Le protectionnisme est le plus grand frein à l’expansion des intérêts européens localement. Nous aimerions que la situation s’améliore le plus vite possible. Nous pourrions être bien plus compétitifs dans l’industrie énergétique ou les services financiers, les marchés les plus fermés à l’heure actuelle. Ce sujet continue à être la préoccupation principale pour de nombreux dirigeants et nous espérons aboutir à de meilleurs compromis avec la Chine au cours des prochaines années. »