Commerce International : En Chine, « les frontières entre famille et entreprise sont ténues ». Dans quelles mesures ?
Chenva Tieu : « La notion chinoise de “ famille ” reflète l’organisation sociale plus ou moins large de groupes d’individus. L’architecture est basée sur les relations bilatérales, réciproques et asymétriques de Confucius : empereur-sujet, père-fils, mari-femme, ainé-cadet et ami-ami. Un “ droit ” trouve son équilibre ou puise sa source dans un “ devoir ”. La conséquence dans les organisations sociales extra-familiales est une porosité dans les relations et une complexification des situations. »
Les chefs d’entreprise européens manquent-il d’adaptation aux modes de pensée chinois, en particulier à la notion d’harmonie ?
C. T. : « Par la notion de famille, nous constatons que le comportement chinois accorde de l’importance à la collectivité, au contrat social que certains analystes français qualifient d’autoritaire – car primant sur la liberté individuelle. Pour les chefs d’entreprise européens, il faut comprendre que le processus est long car collectif, opaque car multi-dimensionnel et que la réalité ou le contexte génère la décision, et non l’inverse. La notion d’harmonie implique trois effets simultanés : une diversité (on n’a pas besoin d’harmonie dans l’uniformité), une concurrence (comme dans le ying et le yang) et une effectivité (un résultat issu de cette interaction). Pour les entrepreneurs occidentaux, être en harmonie consiste à accepter une diversité des modes de pensée, une altérité dans l’échange et un résultat satisfaisant pour les deux parties. »
Parmi les « chinoiseries » évoquées figure la crainte du pays « des années en 9 ». Cette prudence peut-elle engendrer un climat attentiste en 2009 ?
C. T. : « L’histoire de la Chine au XXe siècle a été marqué par des cycles de trente ans, avec des millésimes se terminant par 9 : 1919, la révolte des étudiants, 1949, la naissance de la République populaire de Chine, et 1979, l’arrivée au pouvoir du petit timonier Deng. Cette séquence traduit aussi une réalité douloureuse : à chaque fois que la Chine copie l’Occident, cela se termine mal ! Pour 2009, la Chine a besoin d’être elle-même pour ne pas tomber de nouveau dans trente ans de souffrance. »