2012 s’est révélée être l’année avec le plus grand nombre de litiges (62) entre entreprises et Etats. L’Espagne fait partie des pays qui ont déposé le plus de réclamations auprès de cours arbitrales en 2012. Sept différents opposent des entreprises espagnoles et des Etats, la plupart d’Amérique Latine. Du coup, la Cour d’Arbitrage de Madrid, gérée par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Madrid, a estimé opportun et utile l’organisation du premier Congrès outre-Pyrénées de l’Arbitrage d’investissement en Amérique Latine.
Organisé sur une journée à Madrid, au sein de la Casa de América, l’événement a rassemblé quelques unes des grandes entreprises espagnoles de l’Ibex-35 (l’équivalent du CAC 40), ainsi que des cabinets d’avocats et des arbitres.
« L’arbitrage d’investissement est un instrument très efficace pour canaliser les demandes des entreprises de la région de Madrid », a assuré d’emblée Enrique Ossorio, ministre de l’Economie de la région de Madrid, où 16 000 entreprises ont entamé leur internationalisation en 2012. Concrètement cet arbitrage permet de parvenir à trouver des solutions lors de controverses entre investisseurs étrangers et Etats, d’expropriations et de nationalisations. Le cas le plus récent et médiatique a d’ailleurs touché une entreprise espagnole l’an dernier, lorsque le gouvernement argentin a décidé d’exproprier Repsol. La controverse est en cours d’arbitrage.
Les responsables de grandes entreprises présentes ont donné leur point de vue sur les risques à l’heure d’investir à l’étranger. « L’expérience nous montre que les traités de protection réciproques d’investissements entre Etats européens et iberoaméricians (APRIs) sont utiles dans les pays où les changements de gouvernement sont fréquents », assure Miguel Klingenberg, vice-secrétaire général de Repsol. Ces APRIs contiennent ainsi des mécanismes de solution des controverses qui permettent à l’investisseur de recourir à l’arbitrage international en cas de litige. « La volonté des pays d’adhérer à ces traités internationaux est déjà un indice pour nous », signale Rafael Garcia de Diego, secrétaire général du Réseau Electrique d’Espagne.
José Fernando Cerro, vice-secrétaire général d’Abengoa, n’est en revanche pas tout à fait du même avis : « penser que les investissements vont bénéficier d’un cadre juridique sûr parce qu’un traité existe, c’est être optimiste même si cela reste un instrument utile ». Abengoa, justement, vient d’obtenir une sentence favorable après un arbitrage contre le Mexique réalisé depuis 2009 par le Ciadi (Tribunal arbitral qui dépend de la Banque Mondiale).
L’entreprise Albertis s’est aussi montrée satisfaite dans l’ensemble de l’arbitrage. En mai 2012, la Bolivie décide de geler les tarifs des aéroports gérés par une filiale d’Albertis. « L’arbitrage est l’unique moyen d’avoir un débat juridique à un certain niveau. Cela n’a pas empêché la Bolivie de ne pas améliorer le dialogue, mais cela permet au moins de sortir le litige de Bolivie. Notre seul regret : la lenteur du processus », a expliqué Daniel Ventín, directeur du cabinet juridique des projets d’Albertis.
De l’avis de plusieurs intervenants, la décision de faire appel à l’arbitrage dépend finalement de la stratégie globale de l’investisseur privé. Nombreuses sont ainsi les entreprises désireuses de recourir à l’arbitrage. Mais beaucoup ne franchissent pas le pas, car elles doivent continuer leurs négoces ensuite dans le pays du litige. « La stratégie dépend de l’entreprise et de son implantation, de son poids économique dans le pays », a estimé Rafael García de Diego, du Réseau Electrique d’Espagne. Alors qu’il est entré sur le marché bolivien en 2001, les premiers soucis surgissent en 2006 avec l’Etat bolivien. « Mais il était impossible d’aller à un arbitrage, la stratégie dépend finalement de l’investissement», poursuivait ce responsable.
Le ministre espagnol des Affaires Etrangères, José Manuel García-Margallo, présent pour l’inauguration du Congrès, a insisté pour sa part sur un autre aspect de l’arbitrage. Il souhaite l’émergence d’un arbitrage plus adéquat pour les Pme afin de les encourager à s’internationaliser avec la même sécurité juridique, tout en souhaitant des décisions d’arbitrage plus rapides et moins couteuses.