Dès 2008, Carrefour décide de créer une société foncière pour valoriser ses actifs et accélérer sa croissance. Carrefour Property incarne alors l’autre visage du numéro 2 mondial de la distribution. Il investit le monde de l’immobilier. Avec plus de 4 millions de m2 de surface de vente, plus de 1 000 sites et une présence internationale, le groupe dispose d’un patrimoine commercial considérable. Première foncière européenne, Carrefour compte bien garder et renforcer son leadership. Pour y parvenir, Carrefour Property est chargée de remplir trois missions. Tout d’abord, la société assure l’expansion du groupe en Europe. Présente dans six pays (France, Espagne, Italie, Pologne, Roumanie et Russie), elle prend en charge les futures ouvertures de magasins tout en veillant à la spécificité de chaque région. Il lui faut trouver de nouvelles implantations et densifier la présence de Carrefour sur le territoire. Son deuxième rôle est de gérer le patrimoine. Cela se caractérise par un renforcement et une amélioration de la maintenance des sites mais aussi par la qualité et le positionnement des magasins. Enfin, Carrefour Property s’attache à valoriser les actifs en misant sur l’attractivité.
Une équipe de spécialistes
Pour apporter de la valeur à ses murs, Carrefour a nommé Pascal Duhamel, 46 ans, au poste de directeur exécutif. Fin mars 2008, ce diplômé d’HEC a quitté Morgan Stanley Real Estate, la branche immobilière de la banque américaine d’investissement Morgan Stanley, pour rejoindre Carrefour Property. Pour lui, il s’agit d’un vrai challenge : « J’ai le sentiment d’être à la tête d’une start-up…, mais pas n’importe laquelle puisque le patrimoine représente plus de 14 milliards d’euros. Ma motivation réside surtout dans l’immensité du travail à accomplir. » Il est épaulé par Jérôme Le Grelle, directeur du développement et des opérations, lui aussi spécialiste de l’immobilier.
Les deux hommes se sont alors entourés d’experts de la finance et de l’immobilier commercial. En France, la filiale emploie ainsi près de 300 personnes, plus de 100 en Espagne, environ 40 en Pologne, 30 en Italie et 10 en Roumanie. L’organisation a été redéfinie en différenciant un département développement et un autre qui s’occupe de la gestion des sites. À la fois promoteur, constructeur, gestionnaire d’actifs et chargé de marketing, Carrefour Property concentre plusieurs métiers. Premier enjeu de Carrefour Property : reprendre le contrôle de l’actif immobilier du géant de la consommation. En 1999, Carrefour avait vendu près de 110 galeries commerciales à la société foncière Klépierre. Aujourd’hui, le mouvement est inverse. Carrefour entend maîtriser ses sites dans son ensemble, mais aussi former ses propres équipes de gestion.
« La gestion des sites est vraiment très importante, explique Jérôme Le Grelle. Les surfaces existantes sont analysées au cas par cas pour adapter l’offre commerciale et amplifier la création de valeur. » Le travail consiste alors à rénover les installations, à travailler sur les superficies des magasins et à diversifier l’offre. À chaque fois, la société réalise une étude de marché pour trouver la bonne solution, celle qui va augmenter le flux des visiteurs et l’attractivité des sites. Une fois que tous les éléments sont là pour mettre en valeur le produit, le travail de Carrefour Property n’est pas terminé. « On a évolué vers un métier d’animateur », note le directeur du développement et des opérations. Une politique d’animation commerciale entre en jeu : publicité, recherche de sponsors, dénomination d’un centre commercial (Les 4 Temps, Grand ciel), multiplication des rendez-vous comme la foire aux vins, Noël, Pâques…
Des valeurs commerçantes
L’autre rôle de Carrefour Property étant d’accélérer le rythme des ouvertures de magasins en France et en Europe, la filiale s’intéresse à toutes les opportunités de développement. Elle prend en compte l’environnement, la chalandise et la localisation de toute future acquisition ou construction. Tout en se préoccupant des nouveaux modes et lieux de consommation que ce soit en centre-ville ou en périphérie. Si l’un des points forts du groupe réside dans sa notoriété (Carrefour est le 2e groupe de distribution mondial et compte trois milliards de passage en caisse par an dans le monde), il s’appuie aussi sur sa variété de concepts et de surfaces. Ainsi, il peut créer des espaces allant de 100 à 22 000 m2. Hypermarchés, supermarchés, magasins discount (Dia, Ed…), enseignes de proximité (Shopi, 8 à Huit, Proxi…) : à chaque situation, des réponses ciblées et sur mesure. « Nous avons pour chaque cas une analyse de commerçant, appuie Jérôme Le Grelle. C’est ce qui nous différencie de nos concurrents qui se limitent à une logique de promoteurs. » En s’appuyant sur ses valeurs commerçantes, Carrefour entend rester proche de ses clients. Un client zappeur aux attentes différentes. Selon Jérôme Le Grelle, il n’est plus fidèle à une seule marque de magasins. De plus, il est très exigeant sur les services et il ne veut pas perdre son temps. Exit donc les lieux tristes et sans âme.
Se développer malgré la crise
Autre dimension que Carrefour Property doit prendre en compte : les effets de la crise actuelle sur l’immobilier. Pascal Duhamel avoue que la situation est plus compliquée aujourd’hui, en particulier pour les programmes de développement. « Il faut se montrer plus sélectif, plus rigoureux. » D’un autre côté, cela apporte aussi plus d’opportunités dans certaines zones. Carrefour Property compte travailler davantage sur les enseignes de proximité et discount, des formules de plus en plus appréciées. « En France, il y a beaucoup de possibilités de développement, surtout à l’Est », précise le directeur exécutif. Par contre, le gigantisme n’a plus la côte. À l’étranger, les opportunités ne manquent pas (voir encadré). Notamment en Russie. Mais là encore, cela impose des implantations personnalisées. Et si Carrefour Property est conscient de l’ampleur du travail, l’ambition du groupe est sans équivoque : devenir leader dans tous les pays.
Une stratégie internationale
La présence de Carrefour Property en Italie, en Espagne, en Pologne, en Roumanie et très prochainement en Russie n’a rien d’anodin. Pour accélérer son expansion, Carrefour mise sur l’international et il peut s’appuyer sur sa bonne connaissance des marchés européens. Les programmes les plus ambitieux de la filiale du numéro 2 mondial de la distribution sont destinés à la Roumanie et la Russie. Ils représentent des enjeux de parts de marché considérables. En Roumanie, Carrefour dispose du leadership sur les hypermarchés et cherche à développer les supermarchés. Concernant la Russie, le groupe tente de s’y implanter depuis dix ans et a pas mal de retard par rapport à ses concurrents (Auchan ou encore l’Allemand Métro). Les premiers magasins russes ouvriront en juin 2009. « Carrefour Property a de belles ambitions en Russie. On peut y acheter des terrains, il y a davantage d’opportunités », explique Pascal Duhamel, le directeur exécutif.