Abandonné par la France, le projet d’une taxe carbone, cette fois au niveau européen, refait surface. La Commission envisage d’introduire une taxation minimale de 20 euros par tonne de carbone émise dans les secteurs du logement, des transports routiers et de l’agriculture, selon un document interne dont l’agence Reuters a eu copie. Aucun chiffre n’est encore définitivement fixé. Les débats entre commissaires européens devraient débuter le 23 juin. Cette mesure serait toutefois différente de la taxe carbone aux frontières de l’Europe réclamée par le président français Nicolas Sarkozy.
Le projet de nouvelle directive entend ajouter deux nouvelles composantes dans la manière de calculer ces taxes : une première en fonction des émissions de CO2 produites par l’énergie utilisée, la seconde dépendant directement de l’efficacité énergétique des produits. Ce mode de calcul privilégiera les agrocarburants au détriment du pétrole, du charbon et du gaz. Mais Bruxelles prévoit des exemptions et réductions pour le secteur agricole, les ménages pauvres ou encore les zones rurales isolées. Le dossier reste en effet politiquement ultrasensible. En matière de fiscalité, les décisions se prennent à l’unanimité des États. Or, rares sont les pays qui, à l’instar de la Suède, du Danemark et de la Finlande, disposent déjà d’une taxe carbone. Au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement dirigé par le conservateur David Cameron se méfie de toute initiative fiscale au niveau européen. La France, elle, a dû renoncer à instaurer sa propre taxe carbone, à 17 euros la tonne, après des mois de controverses. L’Allemagne voit, de son côté, d’un mauvais œil la perspective d’un tel prélèvement, afin de protéger les intérêts de son industrie automobile.
Aujourd’hui, la fiscalité énergétique rapporte aux pays de l’Union 300 milliards d’euros par an. Mais, pour la Commission, ce projet de taxe est avant tout pédagogique. « L’objectif n’est pas d’augmenter les taxes, mais de les restructurer afin que les consommateurs soient en mesure de réduire le montant des taxes qu’ils paient en modifiant leur comportement et en ayant une consommation d’énergie plus efficace », assure Bruxelles. Une fois adoptées par les États membres, ces nouvelles règles seront mises en place progressivement entre 2013 et 2018, le temps de laisser certains pays s’adapter. En taxant ainsi le transport et le logement, responsables respectivement de 23 % et 10 % des émissions de CO2 en Europe, l’Europe souhaite se donner les moyens d’atteindre son objectif de réduction des rejets de dioxyde de carbone de 20 % d’ici à 2020. Concernant l’utilisation du produit de la taxe, chaque pays resterait libre de le dépenser comme bon lui semble, par exemple pour faire bénéficier certains contribuables de mécanismes de compensation financière. Mais les revenus potentiels de la taxe pourraient servir à alléger les dettes des États, ce qui constitue sans doute un élément de motivation décisif à l’heure où la quasi-totalité des États membres est confrontée à une explosion de leurs déficits et de leurs dettes.