« Le monde reconnaîtra que le Brésil est, incomparablement, l’unique pays (…) qui présente les meilleures conditions » de production de biodiesel, indiquait le président Luiz Inacio Lula de Silva, en mars 2005, à l’occasion de l’inauguration de la première usine productrice de ce carburant. Pour l’heure, les automobilistes brésiliens ont le choix entre un plein d’essence, d’éthanol ou les deux à la fois – en fonction du type de moteur de leur véhicule. Or, selon le Syndicat des sucriers brésiliens (Unica), 40 % du carburant (hors diesel) consommé sur le territoire est composé d’éthanol. Le pays compte 320 raffineries et produit près de 400 millions de tonnes de canne à sucre, créant ainsi un million 500 000 emplois.
Il faut dire que le géant sud-américain a fait preuve d’un avant-gardisme profitable, dans un contexte tourmenté. À la suite du premier choc pétrolier de 1973, en pleine dictature militaire (1964-1985), constructeurs automobiles et principaux producteurs de sucre ont été contraints d’unir leurs forces. Un plan « pro-alcool » imposait en effet l’incorporation de 12 % (25 % aujourd’hui) d’alcool éthylique dans l’essence commercialisée au Brésil et a favorisé la production de véhicules fonctionnant à l’alcool carburant. Résultat : jusqu’aux années 1990, 96 % des voitures vendues ne roulaient qu’à l’éthanol ! Par la suite, les producteurs de sucre ont opté pour la vente de leur denrée sur les marchés mondiaux, à prix d’or, délaissant la production d’éthanol.
La pénurie qui s’en est suivie a failli sonner le glas de cette révolution agro-industrielle. Sa résurrection ne date que de 2003, avec la mise sur le marché par le groupe Volkswagen de la première voiture flex-fuel (« polycarburant » en français)(1). Bicombustible, celle-ci laisse le choix à l’automobiliste de remplir son réservoir d’essence, d’éthanol ou des deux à la fois. Les Brésiliens ont réservé un tel accueil aux voitures flex que les constructeurs (parmi lesquels Renault, General Motors et Peugeot) s’attendent à ce qu’en 2007, 80 à 90 % des modèles vendus dans le pays soient équipés de cette technologie. Le laboratoire mondial de la voiture verte entend donc bien conserver sa place de référent, dans un monde qui suit doucement son exemple. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « le mouvement graduel d’abandon du pétrole a commencé. Au cours des 15 à 20 prochaines années, les biocarburants pourraient fournir au moins 25 % des besoins d’énergie » sur le globe.
Vers « la révolution » du biodiesel
Mais l’Europe demeure loin derrière en matière de production et de consommation de bioéthanol. Les principales raisons ? Un encouragement communautaire discret et, surtout, le prix : alors qu’au Brésil un baril de bioéthanol coûte deux fois moins cher qu’un baril de pétrole, le tarif en Europe s’avère trop élevé pour la plupart des foyers. L’Union européenne s’engage donc prudemment dans le virage écologique, visant les 8 % de biocarburants dans les transports d’ici 2015. Toutefois, le Vieux Continent est le plus gros producteur de biodiesel (80 % de la production totale de biocarburants), suivi des États-Unis.
Actuellement réalisée à partir de graines de colza, mais aussi de tournesol ou du soja, la conception européenne de biodiesel a augmenté de 65,8 % en 2005. Au Brésil, la production s’élève à 200 millions de litres, commercialisés par 600 stations services. D’ici 2008, le gouvernement ambitionne de la multiplier par quatre. Pour le président Lula, qui brigue un second mandat, « le Brésil connaît une révolution énergétique. [Il a] fait celle de l’éthanol, [il fera] celle du biodiesel ». Persuadé que ce carburant est « le pétrole de demain », le leader du Parti des travailleurs (PT) entend partager les recherches brésiliennes avec d’autres pays tropicaux, tels que l’Inde ou l’Angola.
(1) La première flotte française de véhicules flex-fuel, roulant à l’E 85 (85 % d’éthanol), a été mise en service en juin dernier, dans la Marne. Le Conseil général l’expérimentera durant 12 mois, sous la surveillance de l’Institut Français de Pétrole (IFP) et de l’ADEME.