Depuis le renforcement de la loi en France sur les travailleurs détachés (ordonnance n°2019-116, du 20 février 2019), les entreprises allemandes frontalières de l’Est de la France ont clairement réduit leurs activités en Alsace. C’est ce que démontrent les conclusions d’un sondage sur le travail détaché outre-Rhin, rendu publique par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lahr, ville allemande, située à moins de 50 kilomètres de Strasbourg.

Depuis 2016, la question épineuse des travailleurs détachés préoccupe l’Europe et revient très régulièrement dans le débat public en France, créant de fait une émergence de soucis pour les zones transfrontalières. Ainsi pour les entreprises allemandes frontalières qui avaient pour habitude de venir travailler en Alsace, la charge administrative est devenue plus fastidieuse encore, comme l’indique Christian Löffler, responsable de Faller Stapler, une entreprise de vente et réparation d’engins de logistique du Bade-Wurtemberg : « Nous sommes une petite entreprise, c’est devenu très compliqué pour nous de travailler en France avec la charge bureaucratique que cela suppose ».

Face à cette problématique la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Lahr, a mis en avant les résultats d’une enquête qui a recueilli l’opinion de 425 entreprises allemandes de la région frontalière. Et ces résultats sont pour le moins évocateurs : 42 % de ces entreprises ont avoué avoir réduit leur activité outre-Rhin et 13 % d’entre elles ont même cessé toute activité en France.

Les entreprises jugent les contraintes administratives trop lourdes

Lorsqu’une entreprise allemande envoie un travailleur en France, elle doit remplir une déclaration en ligne mais la démarche n’est pas simple et chronophage au moment de rassembler tous les documents nécessaires. Les entreprises se plaignent de la durée de création de la déclaration, mais aussi et surtout de la traduction en français des documents demandés, ainsi que la mise en place d’un représentant français. Ces contraintes touchent particulièrement les petites et moyennes entreprises. Christian Löffler accuse le principe notamment lorsqu’il y a un cas d’urgence où chaque heure compte. Et s’il s’agit de faire l’impasse sur cette déclaration les entreprises risquent une amende qui peut coûter jusqu’à 3000 euros par employé détaché.

Le travail détaché particulièrement présent en Alsace

Logiquement c’est dans les régions frontalières que se trouve la plus grande partie des 588 000 travailleurs détachés enregistrés en France en 2018. Le Grand Est pour sa part enregistre près d’un cinquième des travailleurs détachés (plus de 104 500) et détient le taux de concentration le plus important (5,4 %) de ces travailleurs. Les acteurs principalement impactés par ces lourdeurs administratives sont les artisans allemands qui, historiquement, ont toujours été présents dans la région française.

En septembre 2018, les autorités françaises avaient fait part d’un souhait de simplification des démarches, mais comme le regrette Steffen Auer, président de la CCI de Lahr, la nouvelle réglementation de juin 2019 n’a -selon lui- pas apporté beaucoup de changements, et c’est pourquoi les acteurs régionaux de l’activité économique transfrontalière plaident d’urgence en faveur d’une nouvelle simplification du droit du détachement afin que la coopération transfrontalière soit possible. Face à cette vive inquiétude, l’ensemble du réseau consulaire des CCI régionales (allemandes, françaises et suisses) a rédigé un courrier à destination de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, mais pour l’heure aucune réponse significative ne leur a été retournée.