En dévastant les paysages et les infrastructures de Saint-Martin, l’ouragan Irma a détruit le pilier de son économie, le tourisme, qu’il faudra entièrement rebâtir pour donner un avenir aux habitants.
Après le passage de l’ouragan Irma sur les Antilles françaises, le seul mot qui résonne lourdement est désolation. Parallèlement au bouleversement des populations qui ont, pour la plupart, beaucoup perdu et qui sont, une semaine après la catastrophe, encore dans un flou total sur leur avenir, l’économie de l’île de Saint-Martin -comme celle de sa voisine Saint-Barthélemy- n’est pas épargnée. En effet les paysages et les infrastructures qui font le secteur touristique (la première manne économique de l’île) sont eux aussi anéantis.
Une saison touristique qui n’aura pas lieu
« Pour la saison touristique qui arrive, c’est foutu », soupire Paco Benito, directeur de l’hôtel Riu Palace, à Anse Marcel, au nord de l’île franco-néerlandaise de Saint-Martin.
Son établissement de haut standing, à proximité des eaux turquoises, a été intégralement endommagé. « Il va falloir une reconstruction totale, on va commencer le plus tôt possible », confirme l’homme, exténué par ces derniers jours de chaos.
« La priorité, c’était de survivre après l’ouragan. Ensuite, on a évacué les clients ». Mais après les urgences, viennent les choses du quotidien et son établissement est un des plus grands employeurs privés de l’île, côté français, avec 300 salariés. « On a 300 employés, ça veut dire 300 familles qui comptent sur nous ».
« Tous les magasins, les entreprises sont sinistrés, cassés, éventrés. C’est comme si une bombe était tombée sur Saint-Martin. Là, on est juste en phase de nettoyage, mais ça va prendre du temps », explique, résignée, Maggy Gumbs, directrice de la CCI de Saint-Martin. « Imaginez, on retrouve des voitures et des bateaux dans les montagnes, déplacés par le vent ».
Des mois de réparation…
La haute saison touristique se situe entre fin novembre et fin avril, et tout le monde sait ici, à Saint-Martin, qu’il sera impossible de redonner un visage convenable à l’île avant un bon moment : les réparations des routes, des bâtiments et des autres infrastructures nécessaires à l’accueil des touristes, mais aussi à l’ensemble des habitants de l’île, sont trop importantes pour s’opérer en quelques mois.
« Tous les hôtels, tous les restaurants sont détruits, donc ce sera une saison morte. Les touristes commencent d’ailleurs à annuler leur réservation », ajoute Mme Gumbs, en soulignant que « le tourisme est la seule activité économique de l’île ».
Rien que le secteur de l’hôtellerie-restauration couvre 15 % des emplois à Saint-Martin, contre 4 % en Guadeloupe, par comparaison. Mais, c’est bien l’ensemble de l’activité économique de l’île qui dépend du tourisme puisque le commerce, l’immobilier, la construction, les activités nautiques de cette collectivité d’environ 35.000 habitants sont totalement adossés au tourisme.
Les professionnels du tourisme dans l’expectative
Chez les voyagistes fidèles à cette destination, on essaie de s’organiser pour trouver des solutions sur les réservations déjà enregistrées. Ainsi le voyagiste Exotismes a contacté chacun de ses clients qui devaient se rendre dans ces îles dans les trois mois à venir pour définir des alternatives : décaler la date du voyage, proposer une autre destination ou encore rembourser ce qui a été engagé.
« Même si les infrastructures sont remises d’aplomb, l’île est abîmée. Aujourd’hui il n’y a plus d’arbres, ce n’est pas un lieu de tourisme mais de reconstruction. Les gens passent l’année à économiser pour partir en vacances, on ne peut pas les envoyer dans un chantier », explique son président Gilbert Cisneros.
Saint-Martin a accueilli 2,5 millions de visiteurs en 2014, essentiellement des croisiéristes américains qui fréquentent la partie néerlandaise de l’île.
Quel avenir pour l’économie de Saint-Martin ?
« Saint-Martin renaîtra, je m’y engage », a promis mardi le président Emmanuel Macron, mêmes si certains ont déjà fait le choix de partir.
« Avant que le tourisme redémarre fort, il faudra trois ans », estime Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme. « On peut partir du principe qu’on repart à zéro », dit-il, voyant dans ce désastre une opportunité de développer un tourisme plus moderne, « qui préserve plus l’environnement, de qualité, avec des retombées économiques et sociales beaucoup plus fortes ».
« On a vécu déjà des épisodes cycloniques lourds. A chaque fois, c’est reparti, à chaque fois les gens reconstruisent », tempère M. Cisneros, fort de 30 ans d’expérience dans le tourisme des îles et faisant référence à l’ouragan Hugo qui avait déjà dévasté Saint-Martin en 1989.
Il suggère même que le tourisme repartira plus fort, car Saint-Martin et l’île voisine de Saint-Barthélemy « seront les deux destinations des Caraïbes qui auront les meilleures infrastructures dans un an », assure-t-il.
C’est ce que confirme Narcisse Dupré, du service culture et communication de Saint-Barthélemy : « On n’a pas dit notre dernier mot ! On va mettre le paquet. Et quand on voit tout ce qui a été fait en à peine une semaine… Les habitants de Saint-Barth ont montré qu’ils étaient capables de déplacer des montagnes ».
Les mois à venir à Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne seront que reconstruction, redonner un semblant de vie à ce qui jusqu’à lors faisait figure de «Paradis sur Terre». Tout réorganiser, tout conformer pour ne pas perdre de temps, et imaginer dès aujourd’hui une nouvelle Saint-Martin plus belle encore, pour oublier ce triste mardi 6 septembre.