

Connu pour la richesse de ses sous-sols, le Pérou a toujours attiré l’attention étrangère, à commencer par les conquistadores espagnols au XVIe siècle, conquis par l’or fameux des Incas. Aujourd’hui, le pays est l’un des plus gros fournisseurs de minerais au monde: premier producteur d’argent, deuxième de zinc et de cuivre, troisième d’étain, sixième d’or… Les groupes miniers internationaux ont logiquement jeté leur dévolu sur le pays andin et ses ressources. Selon le ministère péruvien de l’Energie et des mines (Minem), plus de 21,6 milliards de dollars ont été investis dans le secteur minier entre 1996 et 2010. La Société nationale des mines estime que d’ici 2020, le montant des investissements pourrait atteindre les 50,7 milliards de dollars.
Le potentiel du sous-sol péruvien n’a pas échappé aux grandes entreprises. Elles ont décidé de s’installer dans un pays qui, depuis le début des années 1990, a tout mis en œuvre pour attirer les investisseurs étrangers, à travers différents traités de libre-échange et, surtout, des contrats de stabilité juridique assurant aux entrepreneurs des conditions stables pour leurs investissements. La Chine a ainsi choisi de concentrer la plus grande partie de ses investissements miniers sur le territoire péruvien. Conséquence: l’Empire du Milieu, considéré comme le principal consommateur de métaux au monde (40% de la consommation mondiale), est aujourd’hui l’investisseur minier le plus important du Pérou (20% du montant total des investissements), devant les Etats-Unis, le Canada, la Suisse et l’Australie. Selon le Minem, le portefeuille général d’investissements miniers prévu pour les seules cinq prochaines années est de 30 milliards de dollars; et depuis plusieurs années déjà, les exportations minières représentent près de 60% du montant total des exportations. Une manne financière essentielle pour l’économie péruvienne, alors que la crise touche une grande partie des pays du reste du monde.
Cependant, si le secteur est une source de revenus sans équivalent pour le pays, son développement exponentiel génère de nombreux conflits. Selon la Defensoria del Pueblo, un organe de l’Etat chargé de défendre les droits de l’Homme, quelque 220 conflits existent aujourd’hui aux quatre coins du pays. Or, plus de la moitié d’entre eux sont d’origine socio-environnementale et opposent en majorité des communautés paysannes ou indiennes aux exploitations minières, rapporte la Defensoria del Pueblo. En février, plusieurs milliers de personnes ont participé à la « Grande marche pour la défense de l’eau », qui consistait à défendre les ressources hydriques du pays mises en danger, selon les manifestants, par les entreprises minières.
Comme dans de nombreux autres pays d’Amérique latine, ces problèmes sont souvent dus à un manque de consultation des peuples vivant sur les terres destinées à être exploitées. Une « loi de consultation préalable » obligeant l’Etat à consulter les populations indigènes au sujet de toute décision concernant leur territoire a été promulguée en septembre; mais elle n’est toujours pas entrée en application. Alors que les conflits s’enlisent, le président péruvien Ollanta Humala a promu en janvier, lors du Forum économique mondial de Davos, une « mine responsable. » « On veut que vous connaissiez les règles de la nouvelle relation avec les entreprises minières, dans laquelle on insiste sur le respect de l’environnement et le développement social », a déclaré Ollanta Humala aux entrepreneurs, insistant sur la nécessité de faire cohabiter les projets miniers avec l’agriculture, l’élevage et l’agro-industrie. « Soyons réalistes, je ne crois pas que la stratégie soit de dire « Non à la mine », mais le pays doit décider où il peut y avoir des exploitations minières et où cela ne peut être le cas », juge l’ancien vice-ministre de l’environnement José de Echave. Il dénonce le fait qu’ « aujourd’hui, la mine est partout. » En 2011, les concessions minières occupaient 24 millions d’hectares (70% de l’Amazonie) au Pérou, contre 12 millions en 2006.
(1) Vendredi prochain:
Pérou: les investissements miniers peuvent-ils reculer face aux conflits sociaux en recrudescence?