Alain Di Crescenzo, président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Occitanie, dressait fin décembre dans les colonnes de notre confrère La Dépêche, un bilan inquiétant du mouvement des Gilets jaunes au détriment de l’équilibre des entreprises de la région Sud-Ouest.

Comment peut-on évaluer les pertes économiques en Occitanie ?

A.Di Crescenzo: Si l’on excepte la spécificité parisienne, les pertes économiques en Occitanie ont été à l’image du niveau national, avec des situations graves pour les chefs d’entreprise. En matière logistique, la situation a été chaude sur l’axe du Gard à l’Espagne et Toulouse-Narbonne, au nord de Toulouse également avec des zones de logistique faciles à bloquer, je pense à Eurocentre notamment, des blocages qui ont paralysé le transport, le commerce et l’industrie. Déjà, à la date du 5 décembre, le secteur du transport affichait de 3 à 30 % de perte et la situation s’est aggravée depuis. Dans cette filière, la marge est de 1 %, alors si vous prenez 30 % dans la figure… Certains secteurs de gros ont enregistré jusqu’à 40 % de chiffre d’affaires en moins, et dans l’hôtellerie, – 18 % sur le seul mois de novembre, avec des restaurants ensuite à – 40 %. Des chiffres qui devront être affinés en janvier avec un recensement complet des pertes.

Peut-il y avoir des compensations ?

Nous avons déjà obtenu des moratoires en termes de fiscalité et de prélèvements sociaux. Mais les pertes d’exploitation restent inquiétantes pour l’équilibre des comptes. Il faut savoir que les entreprises ne peuvent être éligibles à un remboursement que si elles ont été physiquement bloquées et non pas indirectement au niveau du rond-point d’entrée de la zone. Autant dire que pour beaucoup, le bénéfice de l’année est bouffé. On risque d’avoir des cessations de paiements.

Est-ce pour cette raison que les entreprises manifestent autant de réticences pour verser aux salariés la prime exceptionnelle défiscalisée encouragée par le gouvernement ?

Une idée très difficile à mettre en œuvre. Je m’étonne que l’État se mette à parler à la place des entreprises qui ne l’avaient pas prévu dans leur budget. Mais surtout, cette décision aurait dû être précédée d’une consultation préalable avec la réunion des instances représentatives, syndicats patronaux et de salariés, pour en discuter. Mon ressenti c’est que cette décision est doublement mal vécue : par les entreprises car financièrement compliquée à mettre en œuvre, et par les salariés collaborateurs, car génératrice de grosse frustration. Surtout qu’avec le prélèvement à la source, le salarié va trouver son salaire net de janvier amputé par l’impôt que les entreprises sont chargées de collecter pour le compte de l’État. La rentrée va être difficile pour les entreprises…

En Gironde, le président de la CCI a pris contact avec les Gilets jaunes et veut préparer un «livre blanc» de propositions avec les maires ruraux. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne sommes pas là pour faire le travail de l’État. À la CCI, on a aussi été voir les gens sur les ronds-points pour essayer de les raisonner mais cela n’a pas vraiment marché ! On peut comprendre le mécontentement des gens mais il y a un problème de forme car les blocages accentuent la problématique sociale en mettant de plus en plus de gens dans la précarité. Le droit de grève est un droit national reconnu mais il est temps de mettre fin aux blocages et à ces manifestations du week-end, et d’ouvrir le dialogue avec l’État. Des décisions importantes ont déjà été prises par le gouvernement et il faudrait que les Gilets jaunes le reconnaissent en ne bloquant plus le pays.

Participerez-vous cependant en tant qu’organisme consulaire au débat national proposé par le gouvernement ?

Cela va se décider en janvier au niveau des différentes chambres de commerce et d’industrie. Nous allons réfléchir à des propositions.

Source: La Dépêche, 27/12/18