L’anecdote avait fait grand bruit en Afrique du Sud: des figurines de Zakumi, la mascotte du premier Mondial organisé sur le continent africain, sont fabriquées en Chine. Un véritable affront pour un événement dont les Sud-Africains voulaient, tout naturellement, recueillir les bénéfices. Le courroux est monté d’un cran quand un magazine britannique a dévoilé les conditions de travail catastrophiques des ouvriers chinois de l’usine de Shanghai chargée de fabriquer le léopard aux cheveux verts. Payés 2 euros pour des journées de travail de 13 heures… Global Brands Group, l’organisme licenseur de la Fifa, a finalement décidé de retirer l’autorisation de produire à cette entreprise qui enfreignait les codes éthiques et sociaux, le temps pour elle de se remettre en conformité avec les normes de la structure.
Mais le mal est fait et cet événement a permis aux syndicats de travailleurs, comme aux chambres de commerce, de dresser un constat un peu amer : la plupart des produits dérivés de la Coupe du monde sont fabriqués hors d’Afrique du Sud. Un rapide coup d’œil aux rayons des magasins de sport suffit en effet à s’en convaincre : les produits estampillés Fifa 2010 proviennent, pour la plupart, du Pakistan, de Thaïlande, de l’île Maurice et, bien sûr, de Chine. « Franchement, nous ne sommes pas contents. Nous sommes d’accord avec les syndicats et c’est suffisamment rare pour être souligné », plaisante Neren Rau, président de la SACCI, la Chambre de commerce sud-africaine. « C’est contre l’intérêt national », ajoute-t-il. La société gérante des produits dérivés de la Fifa, Global Brands Group, permet à chaque licencié de choisir son fabricant dans le pays qu’il souhaite.
Si 38 d’entre eux sont basés en Afrique du Sud, la délocalisation de la fabrication de la mascotte, négociée par un parlementaire ANC local, a été considérée comme une trahison. Mais la déconvenue peut aussi être considérée comme une leçon, estime Neren Rau. « La Fifa a un monopole là-dessus et a choisi les prestataires les plus compétitifs. Cette Coupe du monde est un signal pour nous: nous devons être plus compétitifs », poursuit-il. De manière plus générale, certains matériaux de construction des stades et des bus, mais aussi la bière servie dans les zones Fifa, sont importés. « Budeweiser est la bière officielle du Mondial. Elle est fabriquée aux États-Unis et nous n’avons pas eu connaissance d’accords passés avec des brasseries locales pour la produire en Afrique du Sud. Elle sera donc importée », explique Zet Luzipo, secrétaire provincial du Cosatu, premier syndicat du pays. « Encore un manque à gagner important alors que nous savons fabriquer de la bière », regrette-t-il.
Il rejoint Neren Rau sur la magnifique chance du pays d’organiser l’événement, mais ne cache plus sa déception quant aux retombées en termes de créations d’emplois et d’opportunités économiques. « Les activités qui se dérouleront ici ne viseront pas forcément à promouvoir l’Afrique du Sud ou même l’Afrique en tant que continent, mais elles viseront à promouvoir des produits fabriqués à l’étranger « , ajoute Zet Luzipo. Chez GEM Schoolwear, une usine de vêtements de Durban, c’est plutôt la colère qui domine. « Je pense que c’est du vol, car la coupe du Monde est venue ici, en Afrique du Sud et financièrement, en tant que fabricant, nous n’avons aucune retombée. Et nous sommes plus que capables de produire ces lignes ici, à des prix et à une qualité très compétitifs. Nous avons tenté de produire quelques articles, mais on nous a répondu que tout était importé », explique Yussuf Vanker, gérant de la manufacture.
Le gouvernement sud-africain a investi plus de 3 milliards d’euros dans cette Coupe du monde. Et si personne ne conteste l’opportunité d’accueillir le Mondial, les acteurs économiques espéraient des retombées économiques directes. Les améliorations des infrastructures et le coup de projecteur sur le pays auront cependant un impact psychologique sur les investisseurs. Déjà l’Afrique du Sud est actuellement en pleine reprise économique, avec une forte hausse de ses revenus financiers, ce qui devrait permettre de faire baisser le déficit budgétaire du pays après un an de récession. Une bonne chose, sans doute, mais pour une situation qui aurait pu être bien meilleure.