En 2016, plus de 97 millions de passagers -soit une hausse de près de 2 millions d’usagers par rapport à 2015- ont été accueillis dans les aéroports parisiens. Malgré des prévisions de croissance encourageantes pour 2017 (+3%), le groupe ADP (Aéroports de Paris) doit être en mesure de se différencier face à ses deux grands concurrents européens que sont les aéroports de Londres et de Francfort, comme le rappelle le PDG d’ADP, Augustin de Romanet.  Afin de moderniser les infrastructures aéroportuaires franciliennes, 3 milliards d’euros vont être investis dans les prochaines années. Autre enjeu de taille : l’achèvement, en 2023, de la liaison CDG Express qui permettra de relier, en moins 20 minutes, Roissy et Paris.

 

 

La baisse de fréquentation touristique en 2016 a eu des répercussions limitées sur le trafic passager du Groupe ADP, même si Orly s’en sort mieux que Roissy. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Augustin de Romanet : L’an dernier, les aéroports parisiens ont accueilli 97,2 millions de passagers, soit 1,8 million de passagers de plus qu’en 2015. Cette performance solide s’explique par une fin d’année très dynamique. Sur les mois de novembre et décembre, nous avons non seulement récupéré les quelque 75 000 passagers perdus en 2015 à la suite des attentats de Paris, mais nous en avons gagné près de 400 000 supplémentaires.

Paris-Orly, dont le trafic a, pour la première fois, dépassé 30 millions de passagers, bénéficie du développement des compagnies low-cost, lesquelles contribuent désormais pour plus d’un tiers du trafic de l’aéroport. Avec une croissance du trafic modérée (+ 0,8 %), Paris-Charles de Gaulle connait une reprise du trafic sur la plupart des faisceaux internationaux, en particulier l’Asie-Pacifique qui avait souffert de la désaffection d’une certaine clientèle asiatique pour Paris.

Face à cette situation, nous ne sommes pas restés inactifs. Nous nous battons pour attirer le trafic à Paris au travers d’actions de promotion, à l’image de la campagne « Made in Paris » réalisée en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères, Atout France, la Région Île-de-France et la Mairie de Paris. Nous avons renforcé notre politique de Route Developpement pour convaincre de nouvelles compagnies aériennes de venir à Paris et celles déjà présentes d’accroître leurs opérations. Ce sont ainsi 62 nouvelles lignes, dont 38 régulières, qui ont été ouvertes au départ des aéroports parisiens en 2016.

La dynamique du trafic se poursuit depuis le début de l’année et nous conduit à revoir à la hausse notre hypothèse de croissance du trafic sur 2017, désormais située à + 3 % plus ou moins 0,5 point par rapport à 2016, contre une fourchette initiale comprise entre + 1,7 % et  + 2,2 %.  Enfin, je reste également confiant à long terme. Indépendamment des soubresauts de la conjoncture, le trafic aérien croit au plan mondial à un rythme deux fois supérieur à celui du PIB. Cette croissance est notamment portée par un phénomène d’urbanisation et de métropolisation puisque plus de 50 % du trafic long-courrier transite par les 40 plus grandes mégapoles.

Quelles sont vos ambitions face à Londres et Francfort, vos grands concurrents européens ?

A.d.R : Contrairement à une idée reçue, les grands aéroports ne sont pas en situation de monopole. Au contraire, les grands aéroports européens sont en concurrence les uns avec les autres, pour être choisis comme porte d’entrée ou sortie en Europe, pour le trafic intercontinental en direct et en correspondance. La compétition sur la correspondance s’étend à Istanbul et aux grands hubs du Moyen-Orient : Dubaï étant le 1er aéroport au monde pour le trafic intercontinental.

Dans ce cadre, il nous faut faire préférer Paris. Donner envie à un passager en transit, qui a six heures devant lui, d’effectuer sa correspondance à Paris, en lui proposant le meilleur accueil, le meilleur niveau de confort et de services, une offre de shopping et une ambiance typiquement parisienne… Nous devons capitaliser sur nos atouts et en premier lieu sur nos infrastructures.

Avec son système de 2 doublets de pistes autorisant 120 mouvements d’avions par heure (contre 112 pour Londres et 88 pour Francfort), Paris-Charles de Gaulle peut en théorie accueillir jusqu’à 140 millions de passagers par an, mais nous n’avons pas la capacité suffisante pour accueillir les passagers dans les terminaux. C’est pourquoi nous investirons au cours de la période 2016-2020, 3 Md€, sur une enveloppe totale de 4,6 Md€ afin d’optimiser nos infrastructures, à travers notamment la construction de nouveaux bâtiments de jonction entre terminaux.

La CCI Paris Île-de-France défend depuis plus de 10 ans la création d’une liaison rapide entre l’aéroport de Roissy et Paris. Une convention en faveur de CDG Express a d’ailleurs été signée en 2016 avec le Groupe ADP. Quel est le sens de cette convention et où en est ce projet ?

A.d.R : La convention-cadre signée entre la CCI Paris Île-de-France et le Groupe ADP a pour but de sceller notre engagement commun pour faire aboutir le CDG Express et renforcer par la même occasion les actions en faveur des entreprises sur les territoires aéroportuaires de Roissy-Le Bourget et d’Orly.

Le CDG Express, projet sur lequel je me suis impliqué dès mon arrivée au sein du Groupe ADP fin 2012, a franchi en 2016 des étapes clés pour sa réalisation. L’État a clarifié et approuvé le cadre législatif dans lequel le Groupe ADP, SNCF Réseau et la Caisse des Dépôts assureront leur mission de gestionnaire de l’infrastructure. Il a également créé la contribution spéciale CDG Express nécessaire à l’équilibre financier du projet, à compter de sa mise en service fin 2023. L’arrêté de déclaration d’utilité publique modificative a été publié et après  l’accord de la Commission européenne sur les principaux termes du montage économique et financier, attendu dans les prochaines semaines, toutes les conditions seront réunies pour la création du gestionnaire d’infrastructure d’ici au mois juillet.

Il ne restera plus qu’à finaliser le contrat de concession avec l’État, puis à lancer les travaux en 2018, pour tenir le cap d’une mise en service du CDG Express à horizon fin 2023, et ainsi accueillir dans des conditions optimales les Jeux Olympiques de 2024 et l’Exposition Universelle de 2025, deux événements mondiaux pour lesquels Paris est candidate.

Cette liaison directe va mettre l’aéroport à seulement 20 minutes de la Gare de l’Est. Elle redonnera au RER B sa vocation première de transport du quotidien et contribuera à la désaturation des autoroutes A1 et A3, lesquels figurent parmi les axes routiers les plus chargés d’Île-de-France. Le CDG Express est essentiel pour l’attractivité de l’aéroport, mais aussi pour l’image de la région et de la France vis-à-vis des millions de touristes internationaux.

La réouverture d’un point de passage frontalier est un facteur essentiel au redécollage de l’aérodrome de Toussus-le Noble. Une étude d’opportunité a été publiée en ce sens par la CCI. À côté de Roissy et Orly, y a-t-il également une place pour le développement de l’aviation d’affaires en Île-de-France ?

A.d.R : Je crois au potentiel de l’aviation d’affaires en Île-de-France et le leadership européen de l’aéroport Paris-Le Bourget sur ce segment de marché, année après année, le confirme. Nous avons engagé depuis 2013 un plan de modernisation de la plateforme avec notamment les travaux de réhabilitation des hangars libérés par Air France Industrie ou encore la réalisation de 20 000 m² d’aires de stationnement avions. Et à terme, Paris-Le Bourget sera desservie par la ligne de métro 17 du Grand Paris.

Concernant l’aérodrome de Toussus-le Noble qui a été l’un des berceaux de l’aviation, je milite pour une réouverture du point de passage frontalier et c’est le message que je porte auprès de l’État à qui revient la décision. Nous réfléchissons également à ce que cet aérodrome puisse éventuellement être utilisé comme un lieu d’expérimentations et d’accueil pour l’installation éventuelle d’un futur cluster autour de l’avion électrique.

Le Groupe ADP a décidé de lancer une nouvelle étude sur le poids économique et social des trois aéroports (Roissy, Orly et Le Bourget) au niveau régional et national. Quels sont les objectifs de cette étude ?

A.d.R : Les aéroports parisiens sont en lien très étroit avec les territoires alentours et participent d’un écosystème dont les effets d’entraînement vont bien au-delà des seules plateformes aéroportuaires. Celle de Paris-Charles de Gaulle abrite environ 700 entreprises et rassemble près de 90 000 emplois directs. Il est donc primordial pour tous les acteurs de cet écosystème de pouvoir mesurer la contribution en termes d’emplois et de création de richesse.

La dernière étude publiée sur le sujet, datant de 2012 et faite sur la base de chiffres 2010, confirmait le fait que les aéroports parisiens sont un puissant moteur de création de richesse et d’emplois pour la région d’Île-de-France. Avec 29,6 Md€ de valeur ajoutée et environ 340 300 emplois en 2010, ils représentaient 5,8 % du PIB et 8,3 % de l’emploi salarié de l’Île-de-France. Ces chiffres ont depuis évolué sachant qu’un million de passagers supplémentaires induit en moyenne la création de 3 400 emplois, dont 1 400 emplois directs.

Le Groupe ADP en chiffres :

– 97,2 millions de passagers dans les aéroports parisiens en 2016

– 3 aéroports et 10 aérodromes gérés en Île-de-France

– 165 compagnies aériennes clientes

– 23 aéroports exploités dans le monde

– 2,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016

– 4,6 milliards d’euros d’investissements prévus sur 2016-2020

– 8 896 salariés