Le commissaire européen à la concurrence, Joaquin Almunia, a voulu dédramatiser les conséquences pour l’Espagne de l’accord conclu jeudi matin à Bruxelles par les Etats européens. « J’ai davantage tendance à croire les banques qui disent qu’elles vont respecter l’accord que les journaux qui assurent que l’Espagne a perdu la bataille de Trafalgar. Nous n’avons rien perdu, nous avons tous gagné avec cet accord », a-t-il assuré vendredi à Bilbao en Espagne lors de la Conférence espagnole des Directeurs (CEDE). Il n’empêche, la polémique a rapidement enflé outre-pyrénées. « La banque encaisse le coup », titrait ainsi l’un des quotidiens économiques, témoignant de la douche froide que le secteur financier espagnol venait de recevoir après l’annonce par l’Autorité bancaire européenne (EBA) d’une nécessité de recapitalisation de plus de près de 15 milliards d’euros (en tenant compte des obligations convertibles en actions) d’ici le 30 juin 2012.
L’Espagne se situe ainsi juste derrière la Grèce dont les besoins de recapitalisation ont été évalués à près de 30 milliards d’euros. Les banques Santander, BBVA, CaixaBank, Bankia et Popular sont concernées. La pilule est dure à avaler notamment pour le Santander, la première banque en zone euro para la capitalisation, alors que les banques françaises et allemandes sont beaucoup plus exposées à la dette souveraine grecque. L’autorité bancaire européenne s’est en fait basée sur l’exposition de ces banques à travers la totalité des crédits concédés aux administrations publiques espagnoles (86 milliards d’euros) et a exigé l’assainissement. « Bruxelles a obligé à prendre comme référence le 30 septembre 2011, soit l’un des moments les plus critiques de la crise, pour évaluer la dette des banques au prix du marché. Conséquence: le marché des bons étant très volatile, notamment à la baisse, les pertes ont augmenté et les banques auront besoin de plus de capital », explique Manuel Romera, directeur du secteur financier pour l’IE Business-School. Ces banques ont assuré qu’elles ne demanderaient pas d’injection de fonds publics.
Elles utiliseront leurs bénéfices (assez conséquents), la vente d’actifs non stratégiques notamment pour parvenir aux objectifs fixés. Mais rien n’enlèvera le mécontentement profond parmi ces géants bancaires qui critiquent la négociation espagnole menée à Bruxelles. « Du point de vue économique, c’est incompréhensible de ne pas avoir inclus les provisions génériques comme capital de qualité maximale. Au fond la question est politique, l’Espagne n’a pas su bien négocier. Les français et les Allemands ont voulu protéger leur banque et c’est un bien triste service à l’idée de l’Union européenne », assure Manuel Romera. Pour un banquier qui préfère garder l’anonymat, cet accord ne lui paraît pas si injuste: « n’oublions pas que les banques espagnoles ont dans leur bilan des prêts immobiliers à hauteur de 400 milliards d’euros; Bruxelles a pu considérer aussi que le risque était grand ». Les conséquences économiques ne sont pas négligeables dans un pays très touché par la crise et où la barre fatidique des 5 millions de chômeurs est sur le point d’être franchie. Le crédit, déjà restreint, ne sera pas facilité avec l’effort que devront fournir les banques pour se recapitaliser.