Un Européen et un Américain sont attablés au casino, observant la roulette tourner. Le rouge est sorti neuf fois de suite. L’Européen, l’œil brillant, pousse un gros tas de jetons sur le noir, sûr de lui. L’Américain lève un sourcil, intrigué :
— Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu vois bien que c’est la soirée du rouge !
Cette scène illustre à merveille deux visions opposées de l’investissement. D’un côté, les Américains (et les Asiatiques) ont une approche dite momentum : ils pensent que ce qui monte va continuer à monter. De l’autre, les Européens privilégient la mean reversion, convaincus que toute hausse excessive est suivie d’un retour à la moyenne. Mais qui a raison ?
Source : par Yann Le Her, Président de 23IS
Le débat entre Momentum et Mean Reversion
L’histoire des marchés montre que ces deux approches coexistent et peuvent être profitables selon le contexte. Le momentum a longtemps été une stratégie prisée sur les marchés américains, soutenue par des études académiques et appliquée dans de nombreux hedge funds. L’idée est simple : suivre la tendance, acheter ce qui monte et vendre ce qui baisse.
À l’inverse, le mean reversion repose sur le postulat qu’un actif s’éloignant trop de sa juste valeur finira par y revenir. Ce principe est particulièrement utilisé dans les stratégies de value investing, popularisées par Benjamin Graham et Warren Buffett, où l’investisseur cherche des actions sous-évaluées pour parier sur un rattrapage.
Mais ces deux concepts ne sont pas seulement des intuitions psychologiques ou des préférences culturelles. Ils sont aujourd’hui intégrés dans une approche plus large et rigoureuse : l’investissement factoriel.
L’approche factorielle : une révolution dans l’investissement
L’investissement factoriel repose sur l’idée que certaines caractéristiques des actifs expliquent une grande partie de leurs performances à long terme. Plutôt que d’acheter aveuglément des actions ou des obligations, cette approche consiste à identifier les «facteurs» qui influencent les rendements et à construire des portefeuilles en conséquence.
Cette théorie a été développée dans les années 1970 et 1980, notamment par Eugene Fama et Kenneth French, qui ont identifié les principaux facteurs influençant la performance des actions. Leur modèle à trois facteurs a marqué une rupture avec le traditionnel CAPM (Capital Asset Pricing Model), qui se basait uniquement sur le risque de marché pour expliquer les rendements.
Les principaux facteurs de marché
Parmi les multiples facteurs étudiés, trois ressortent comme majeurs :
1. Le facteur Valeur (Value) :
Initié par Fama et French, il repose sur l’idée que les actions sous-évaluées (avec un faible ratio prix/valeur comptable) ont tendance à surperformer sur le long terme. Ce principe est au cœur de l’approche value investing, chère à Buffett.
2. Le facteur Momentum :
Popularisé par les recherches de Jegadeesh et Titman dans les années 1990, ce facteur montre que les actifs qui ont bien performé récemment ont tendance à continuer sur leur lancée. C’est le fondement empirique sur les marchés de l’«intuition» américaine au casino : ce qui monte à plus de chances de continuer à monter.
3. Le facteur Taille (Size) :
Les petites capitalisations boursières ont historiquement surperformé les grandes, bien que cette prime ait parfois été remise en question. L’idée est que les petites entreprises sont souvent moins suivies par les analystes, ce qui crée des opportunités pour les investisseurs.
Vers une gestion plus fine des risques
L’approche factorielle ne s’arrête pas à ces trois éléments. D’autres facteurs, comme la volatilité faible (low volatility) ou la profitabilité, sont également pris en compte dans les modèles modernes. Les fonds quantitatifs et les ETF factoriels exploitent ces anomalies de marché pour tenter de générer une performance ajustée au risque supérieure.
Finalement, faut-il acheter une action qui monte ou une action qui baisse ? Plutôt que de suivre son instinct, mieux vaut s’appuyer sur des données empiriques. L’investissement factoriel, en intégrant le momentum ainsi que d’autres facteurs clés, offre une approche plus robuste : il ne s’agit pas de choisir un camp, mais d’identifier les dynamiques de marché exploitables.
Quant à nos amis attablés au casino, aucun des deux n’a raison. Chaque résultat est indépendant, ce qui signifie que le passé n’influence en rien l’avenir : le rouge n’a ni plus ni moins de chances de sortir que le noir. Pourtant, chacun s’accroche à son raisonnement, convaincu d’avoir trouvé la logique cachée du jeu. Mais au final, une seule certitude demeure : que l’on parie sur le momentum ou sur le retournement, c’est toujours le casino qui gagne !
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